Qu’est-ce que l’art ?

Ah, vous voilà bien attrapés bande de sacripans ! vous ne vous attendiez pas à ce qu’une question de bac de philo coeff 7 (pour nous, les ex braves littéraires, bien moins pour ces raclures de scientifiques),ne vous tombe sur le coin de la tronche comme ça, hop, rien qu’en cliquant sur lire la suite !!

Et bien soyez rassurés, car ça n’est pas de l’aspect philosophique de cette question, sur lequel on pourrait se friter la gueule pendant 2 siècles, dont nous allons parler.

Mais alors, c’est une question sans fin ?

Philosophiquement, oui, mais heureusement il existe un référentiel commun national assez pratique qui permet souvent de trancher pas mal de choses, communément appelé “la loi” ;) .

Cette loi est divisée en codes, parce que sinon ce serait vraiment galère de s’y retrouver. Voyons donc comment ces codes permettent de définir ce qui est une œuvre d’art et ce qui ne l’est pas, et quelle doit être le nombre d’enfant de cœur, le type de coiffure de la mariée, la couleur de la soutane du prêtre, le style architectural de l’église, et bien-sûr l’angle de prise de vue du photographe ainsi que la marque de son matériel pour qu’une photo de mariage soit une œuvre d’art et puisse être vendue comme telle.

Et puis surtout, y’a t’il une différence entre un mariage civil et religieux, ou est-ce que tout simplement une photo de mariage est à jamais banni du monde des œuvres d’art ?

Le premier code dans lequel on peut fouiller pour trouver son bonheur, c’est naturellement le Code de la Propriété Intellectuelle, qui est tout désigné pour nous renseigner. Alors, que dit ce code ? Au détour du chapitre 2, intitulé “œuvres protégées”, on peut lire l’article L112-2, qui nous dit clairement ceci :

Article L112-2

Modifié par Loi n°94-361 du 10 mai 1994 - art. 1 JORF 11 mai 1994

Sont considérés notamment comme oeuvres de l’esprit au sens du présent code :

  • 1° Les livres, brochures et autres écrits littéraires, artistiques et scientifiques ;
  • 2° Les conférences, allocutions, sermons, plaidoiries et autres oeuvres de même nature ;
  • 3° Les oeuvres dramatiques ou dramatico-musicales ;
  • 4° Les oeuvres chorégraphiques, les numéros et tours de cirque, les pantomimes, dont la mise en oeuvre est fixée par écrit ou autrement ;
  • 5° Les compositions musicales avec ou sans paroles ;
  • 6° Les oeuvres cinématographiques et autres oeuvres consistant dans des séquences animées d’images, sonorisées ou non, dénommées ensemble oeuvres audiovisuelles ;
  • 7° Les oeuvres de dessin, de peinture, d’architecture, de sculpture, de gravure, de lithographie ;
  • 8° Les oeuvres graphiques et typographiques ;
  • 9° Les oeuvres photographiques et celles réalisées à l’aide de techniques analogues à la photographie ;
  • 10° Les oeuvres des arts appliqués ;
  • 11° Les illustrations, les cartes géographiques ;
  • 12° Les plans, croquis et ouvrages plastiques relatifs à la géographie, à la topographie, à l’architecture et aux sciences ;
  • 13° Les logiciels, y compris le matériel de conception préparatoire ;
  • 14° Les créations des industries saisonnières de l’habillement et de la parure. Sont réputées industries saisonnières de l’habillement et de la parure les industries qui, en raison des exigences de la mode, renouvellent fréquemment la forme de leurs produits, et notamment la couture, la fourrure, la lingerie, la broderie, la mode, la chaussure, la ganterie, la maroquinerie, la fabrique de tissus de haute nouveauté ou spéciaux à la haute couture, les productions des paruriers et des bottiers et les fabriques de tissus d’ameublement.

Je vous ai copié l’article en entier, car un petit memento ne fait jamais de mal. Dans le cas présent, c’est bien l’article 9 qui nous intéresse. Damn ! :WTF: Mais ce satané article 9 ne parle même pas de photo de mariage !! Mais alors, comment on peut savoir nous ?

Et bien c’est très simple : au sens du CPI, TOUTES les œuvres photographiques sont des œuvres, et peuvent permettre à leur auteur de jouir de l’ensemble des droits définis dans le code de la propriété intellectuelle, dont celui de toucher des droits d’auteurs.

DES DROITS D’AUTEURS ?? mon dieu !! même les photos de mariage oO ? Oui, c’est écrit noir sur blanc, pour tous les incrédules qui pensent que “la photo de mariage c’est pas dans la catégorie des droits d’auteurs”

Là vous allez me dire “Ok tu nous as bien bluffé avec tes histoire de CPI là, mais le droit d’auteur et tout ça, c’est bien beau, mais si c’est un particulier qui te commande des photos (pour son mariage par exemple) tu ne vas pas nous faire gober que c’est des œuvres hein, moi je les ai à l’œil les rigolos comme toi !!” :VIEUX:

Et bien en fait si, comme on l’a vu plus haut, le statut d’une œuvre n’est pas conditionné ni au fait qu’il y ait (ou n’y ait pas) de commande, ni au fait qu’elle soit vendue, que ce soit à un particulier ou a une entreprise. Une œuvre est une œuvre dès sa création, comme nous le rappelle habilement l’article L111-2 du même code :

L’oeuvre est réputée créée, indépendamment de toute divulgation publique, du seul fait de la réalisation, même inachevée, de la conception de l’auteur.

(les marioles qui disent qui pensent qu’on “peut prendre une photo sur google tant qu’elle n’a pas de copyright”, vous me la copierez 100 fois)

Voilà qui est limpide: appuyez sur le déclencheur de votre appareil, votre photo est une œuvre, en vertu des articles L111-2 et L112-2 du CPI. Oui oui, même pendant un mariage !! :D .

Pour les tenaces qui me diraient que le fait que ce soit une commande annule le fait que ce soit une œuvre, je leur répondrait de relire l’article ci dessus, et de répéter 10 fois la phrase suivante: La chapelle sixtine est une œuvre de commande.

Vendre une œuvre

Et là vous allez encore me dire : “Ok p’tit malin, c’est une œuvre, mais si tu la vends hein ? parceque moi, mes photos de mariage, je veux les vendre tu vois !! Tu ne vas pas me dire qu’il suffit que je dise que c’est une œuvre, et hop c’est bon, je la vends, si je fais ça “on” va me tomber dessus !!”

Effectivement, ne fait pas de la vente qui veut, et avant de vendre quoique ce soit, il faut s’acquitter de bien des démarches auprès de divers organismes publics, dont le fisc et la sécurité sociale. Comme le législateur fait bien les choses, il se trouve qu’il à pondu également des codes pour les impôts et la sécurité sociale. Magnifique, on va pouvoir se renseigner là dessus !

Voyons ce que les impôts définissent comme une œuvre d’art. On peut trouver ceci dans le Code général des impôts, annexe III, code 98A:

II. Sont considérées comme oeuvres d’art les réalisations ci-après :

  • 1° Tableaux, collages et tableautins similaires, peintures et dessins, entièrement exécutés à la main par l’artiste, à l’exclusion des dessins d’architectes, d’ingénieurs et autres dessins industriels, commerciaux, topographiques ou similaires, des articles manufacturés décorés à la main, des toiles peintes pour décors de théâtres, fonds d’ateliers ou usages analogues ;
  • 2° Gravures, estampes et lithographies originales tirées en nombre limité directement en noir ou en couleurs, d’une ou plusieurs planches entièrement exécutées à la main par l’artiste, quelle que soit la technique ou la matière employée, à l’exception de tout procédé mécanique ou photomécanique ;
  • 3° A l’exclusion des articles de bijouterie, d’orfèvrerie et de joaillerie, productions originales de l’art statuaire ou de la sculpture en toutes matières dès lors que les productions sont exécutées entièrement par l’artiste ; fontes de sculpture à tirage limité à huit exemplaires et contrôlé par l’artiste ou ses ayants droit ;
  • 4° Tapisseries et textiles muraux faits à la main, sur la base de cartons originaux fournis par les artistes, à condition qu’il n’existe pas plus de huit exemplaires de chacun d’eux ;
  • 5° Exemplaires uniques de céramique, entièrement exécutés par l’artiste et signés par lui ;
  • 6° Emaux sur cuivre, entièrement exécutés à la main, dans la limite de huit exemplaires numérotés et comportant la signature de l’artiste ou de l’atelier d’art, à l’exclusion des articles de bijouterie, d’orfèvrerie et de joaillerie ;
  • 7° Photographies prises par l’artiste, tirées par lui ou sous son contrôle, signées et numérotées dans la limite de trente exemplaires, tous formats et supports confondus.

Oh my god !! :WTF: , Mais alors, MÊME LES IMPÔTS pensent que les photos sont des œuvres d’art, et donc qu’on peut les vendre comme telles pourvu qu’on s’acquitte de toutes les formalités qu’induit la vente d’œuvre d’art ? Mais pas les photo de mariages quand même ? :-/

Hé bien comme on peut le lire plus haut, même pour les impôts, il n’y a pas de “type” de photo, ou de sujets, qui sont exclus de leur définition d’œuvre d’art. Pour qu’une photo puissent être considérée, et donc vendue comme une œuvre d’art avec les droits et les devoirs que ça implique, il suffit que cette photo soit tirée au maximum à 30 exemplaires, par l’auteur ou sous son contrôle, et numéroté et signé. Vous remarquez que cette définition n’exclue en aucun cas le tirage numérique, pourvu qu’il soit contrôlé par l’artiste (autre mot pour “photographe”, je sais, ça peut en choquer certains). Donc un original + 30 tirages (pas un de plus, QUEL QUE SOIT LE FORMAT) signés/numéroté = œuvre d’art.

Mais alors, selon la loi, n’importe quelle photo EST une œuvre de l’esprit, pourvu qu’elle respecte les critères définis par le CPI, et EST une œuvre d’art et peut être vendue comme telle, pourvu qu’elle respecte les critères du CGI, même une photo de mariage ??

Voilà, vous avez saisi le concept ;)

La loi fixe clairement ce qu’est une œuvre, et comme on l’a vu ça n’est pas limité par des considération de commande, de sujet, de type de photos, de mode de prise de vue, d’age du capitaine ou je ne sais quel critère fantaisiste avancé par les défenseurs de “la photo de mariage ne peut pas être considéré comme une œuvre d’art”. Et après tout c’est tout à fait normal, et les critères fixés par la loi sont 100% objectifs, sinon ce serait un casse tête sans fin que de définir les “genres” photographiques. Un exemple en image, un petit dessins valant mieux qu’un long discours (et valant encore mieux APRÈS un long discours ;) )

Laquelle de ces 2 photos n’est PAS une photo de mariage ?

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Difficile hein ? ;) Pourtant je vous assure qu’il y’en a une des 2 qui n’est pas du tout une photo de mariage, alors que l’autre l’est carrément. Vous voyez donc comme il est illusoire et subjectif de fixer un “type” de photo pour en limiter la vente et pour fixer les droits d’auteur, et que finalement, la loi est bien faite.

On voit donc qu’il y’a deux définitions complémentaires, celle de l’œuvre, et celle de l’œuvre d’art :

  • La définition de l’œuvre est fixé par le CPI, et elle permet d’assurer à l’auteur des droits, comme par exemple le droit moral ou le droit patrimonial, ainsi que la propriété et la jouissance de son œuvre. en gros il peut en faire ce qu’il veut, dont céder des droits d’exploitations par exemple.
  • La définition de l’œuvre d’art au sens du fisc (soit des impôts) qui vient compléter celle du CPI, et préciser sous quelle conditions une œuvre peut être vendue en tant qu’œuvre d’art, et donc permettre à l’acheteur et/ou au vendeur de jouir des droits que lui confère l’achat/la vente d’une œuvre, dont par exemple le mécénat, la défiscalisation ou autres facilités induites par le fait d’être un artiste-auteur au sens des impôts (ne pas payer de taxe professionnelle par exemple)

Conclusion:

Une photo, fusse-t-elle de mariage, d’identité, de classe, ou de célébration païenne d’adoration du veau d’or peut:
1) donner lieu à une cession de droit d’auteur
2) être vendue en tant qu’œuvre d’art pourvu que ce soit dans les limites fixées par le code général des impôts

Si il vous prends de vendre des œuvres d’arts de manière non marginale, n’oubliez-pas que vous devez disposer d’un statut fiscal, et bien sûr que vous devez cotiser à une caisse de la sécurité sociale qui correspond à votre activité, à savoir AGESSA pour les artistes auteurs et URSSAF pour les autres, renseignez vous pour trouver la plus adaptée à votre cas.

Allez, vous pouvez embrasser la mariée ;)