État des lieux

Combien un graphiste freelance ou salarié est censé gagner par mois ?” est donc LE sujet récurrent qui déchaine les passions. Pour le traiter, Wisibility n’a pas choisi la finesse ou l’originalité, tous les éléments sont présents:

  • les “vieux qui ont appris à faire du webdesign en sculptant consciencieusement chaque bouton de formulaire en pâte-à-sel et en le peignant à l’aérographe avant de le prendre en photo oO’ ” Qui bien sûr fournissent un travail de qualité et qui est en train de pâtir de l’essor du web
  • les “djeunz (sic) qui ne savant rien et ont appris sur internet des tutos kikoolol et qui malgré-tout volent le travail des anciens” Alors que bien sûr ils sont ignares et incompétents.
  • Les habitués du forum qui témoignent, y’a plus de jeunesse ma pauv’ madame michu, nous quand on travaillait à la mine pour extraire des pixels c’était autre chose ‘comprenez, mais maintenant c’est plus ça. Il manque plus qu’un micro TF1 du 13h et on y est.
  • Les éternels questionnements “on pourrait monter une entreprise, mais dans ce pays c’est dur vous comprenez, trop de charges, et oui, trop de charges” alors bien sûr “y’a le freelance, mais c’est difficiles le freelance, et puis finalement c’est un peu comme une entreprise ? si ? non ? (flottement) :-a “

Les esprits rieurs auront remarqué que ce genre de questionnement sur “les djeunz pas formé mais qui grâce à internet se croient tout permis” est assez hypocrite de la part d’une boite dont le fond de commerce est principalement de vendre des tutos pour les débutants, et que leur clientèle est principalement des jeunes en quête d’auto-formation.

Bref, je trouve que ce genre d’article est du larmoiement inutile et gratuit, et qui en plus contribue justement à donner une image de clochardisation du graphisme qui encourage les débutants à se brader, sous prétexte que “c’est le marché qui est comme ça, c’est la vie”

Schéma explicatif

En fait, la réalité est tout autre, je l’ai découvert moi même sur le tard, car au départ j’étais aussi dans la situation “je ne trouve pas de boulot payé correctement tout fout le camp”

En fait, il y’a deux univers distincts: les boites qui payent correctement et qui recherchent des graphistes compétent dans leur cercle de connaissances et contact, et les boites qui payent au lance-pierre et donc ne trouvent personnes et donc passent des annonces, ce qui entraine la croyance que toutes les agences qui recrutent le font à un salaire de misère. Mais un petit schéma vaut mieux qu’un long discours (cliquez pour agrandir):

schema_embauche_01.jpg

Voilà ce que j’ai pu analyser, si le schéma n’est pas clair: D’abord, le marché de la communication est en pleine croissance, et donc il se porte bien, il est donc faux de parler de marasme dans ce domaine, tous les chiffres disent les contraire. Par contre il est vrai qu’on assiste à un balancement de fonds d’un média à un autre.

Dans ce contexte, beaucoup d’agence recrutent, et il y’a 2 écoles:

  • Les agences qui n’ont pas d’argent et/ou qui veulent gratter un maximum sur leur masse salariale, et donc qui recherchent des hommes orchestres trilingue et comptables pour faire leur flyer, le tout à un prix dérisoire, et qui donc (forcement) ne trouvent pas le profil miracle. Elles se tournent donc vers les sites d’annonce style ANPE ou autre, et bombardent leur annonce partout. Du coup, les jeunes graphistes sortis de l’école et qui cherchent du travail sont fortement (et forcement) exposés à ce type de demandes, y postulent et donc fatalement 90% sont recalé, parcequ’un gugusse devant eux était plus qualifié et disposé à manger des cailloux (discours repris d’ailleurs en boucle par l’agence qui recrute). Alors forcement, comme ces postes sont brigués par plein de graphistes, il y’a un énorme taux d’échec, même pour un salaire minable. Du coup il y’a un très grand nombre de mécontents, qui vont dire à qui mieux-mieux que tout fout le camp et que “1200€ net à Paris c’est le salaire normal maintenant, c’est les skybloggers qui ont pourri not’métier”
  • La deuxième école ce sont les agences qui recrutent, qui ont besoin de recruter, qui ne vont pas tarder à recruter… Mais qui n’ont pas le temps. Donc l’offre est invisible, mais elle est bien présente (oui je sais c’est difficile à croire). Ces agences ne déposent JAMAIS de petites annonces, parcequ’elles n’ont “pas le temps” et ne prennent jamais la peine de consulter des books sur le net, sauf pour de la recherche de “high profile”. Bref elles sont totalement coupées du monde du recrutement. Si vous leur envoyez votre book, elles auront oubliées le lendemain et crieront toujours qu’elles ne trouvent personne. La raison est simple: ces agences ne veulent pas prendre de risques, elle ne misent donc que sur la Cooptation, le débauchage, la recommandation, ou le démarchage en direct, il faut les harceler. Les salaires sont assez corrects en général (>1600€ net), et il y’a pas mal de place de disponible. Le tout est de savoir toucher ces agences. Et forcement, comme l’offre est invisible, aucun débutant qui ne connait pas le métier ne peut voir ou deviner ces offres, ce qui contribue à faire croire que les salaires sont bas et les places sont rares.

Vous l’aurez donc compris, quand on entends rabâcher le discours “de l’embauche de graphistes qui se casse la gueule” on entends en fait la voie de gens qui sortent de formation et qui n’ont (forcement) qu’une vision très partielle du marché. C’est donc à eux de savoir quel style de boite ils veulent démarcher, et de fouiller un peu plus loin que les annonces du web.

Je me permet d’écrire tout ça car Marie et moi avons vécu les deux points de vue, et il est évident qu’il y’a un fossé énorme entre la rengaine “le graphisme c’est mal payé ça part en couille” et la réalité des agences. Pour preuve: ma boite offre des prime à quiconque réussi à trouver un employé compétent, à n’importe quel poste, et le salaire minimum est de >1600€ net (ce qui n’est pas énorme), et la boite de marie recrute massivement par tranche de 10 employés par moi rien que dans son service, au même salaire.

Donc à la sortie de l’école, oubliez les petites annonces, et cherchez par vous-même et essayez de vous faire un réseau (je sais c’est facile à dire) Le salaire de base pour un webdesigner/maquettiste est de 1500€ net MINIMUM, y compris en sortant de l’école. C’est le salaire normal pour un employé qualifié. Il y’a de nombreuses entreprises qui recrutent à ce salaire, donc à la sortie de l’école, appliquez-vous à les trouver au lieu de suivre la masse qui va se précipiter sur les petites annonces bidons. C’est pas forcement plus dure, c’est juste une autre voie de prospection.

Apparté

Sinon petit apparté sur L’article de Wisibility: il est carrément HONTEUX (et je pèse mes mots) de pondre un article aussi mal renseigné sur les différents statuts et possibilités des graphistes pour se mettre en free, surtout quand on sait que le public de ce site est constitué en majeure partie de DÉBUTANT et que le site se pose en spécialistes du graphiste et FORMATEURS. Il aurait été tellement plus facile de ne rien dire au lieu de publier des approximations.

morceaux choisis:

Concernant les salariés, il est possible de s’inscrire quand même à la maison des artistes afin de réaliser des travaux indépendamment de votre activité salariée habituelle. Attention, bien entendu, de ne pas concurrencer l’entreprise qui vous emploie, mais, par exemple, de développer une autre activité : vendre ses œuvres personnelles, réaliser des sites internet, des vidéos… au final ça peut devenir un bon plus pour améliorer les fins de mois.

hum, et l’immatriculation aux impôts ? Passons aussi sur les approximations quand à la clause anti-concurrentielle… bref.

MAJ: pour ceux qui tomberaient là dessus en “stand alone”, une suite a été publiée.