TL;DR (après tout c’est un article sur la flemme)
N’attribuez pas forcément vos projets non terminés à du perfectionnisme ou à un mal mystérieux, c’est peut-être bien plus trivial que ça. Maintenant lisez le reste, sales flemmards.
Le tweet de la discorde
Apparemment depuis quelques jours toute ma TL est un perfectionniste-très-doué-mais-qui-ne-se-lance-pas-à-cause-de-ça. Sérieusement, stop.
— Marie ʕʘᴥʘʔ Julien (@mariejulien) 14 mars 2017
Tweet qui faisait écho à ce fil d’autres tweets repris relativement largement par mes followings (à dérouler comme on dit) :
Avant,j’étais perfectionniste.Vous savez ce perfectionnisme qui vous empêche de faire quoique ce soit,par peur de mal faire.Qui procrastine.
— squintar (@squintar) 12 mars 2017
Déjà, dissipons tout malentendu en précisant les points suivants :
- Je me suis reconnu dans le tweet original (normal, voir ci-après).
- Je suis d’accord avec la conclusion de l’autrice « Et vous verrez quel bonheur c’est, peu à peu, d’arriver à donner au monde des choses pas parfaites.Mais loin d’être les +médiocres du monde. » Se lancer, c’est important.
- Certaines personnes sont très gravement touchées par ce phénomène à un niveau pathologique ou quasi pathologique, je leur présente mes excuses si mon tweet a pu les blesser car mon but n’était absolument pas de dire à ces personnes “il suffit de se bouger pour réussir”. (Je ne suis pas naïf à ce point)
- Ce tweet a été RT / commenté / liké par des dizaines de personnes de ma timeline, ce qui m’a poussé à réagir (un peu sèchement).
Un gros Barnum
L’objet de ma remarque était simplement de dire qu’en dehors du fond avec lequel j’étais d’accord, le succès du tweet d’origine était majoritairement dû à l’effet Barnum.
À savoir “un biais subjectif induisant toute personne à accepter une vague description de la personnalité comme s’appliquant spécifiquement à elle-même” (merci wikipedia).
Dans le cas qui nous préoccupe, on est en plein dans un des points de la démonstration de Forer :
Vous avez un gros potentiel inutilisé que vous n’avez pas employé à votre avantage.
Mes followers étant habituellement assez grinçants avec les horoscopes et autres articles Medium, je trouvais ça marrant de voir tout le monde perdre son sens critique et reprendre ce tweet comme le dernier des articles brosse à reluire de type “Les personnes qui râlent en entreprise sont les plus efficaces” ou “les personnes qui sont bordéliques sont les plus intelligentes”.
Comme quoi l’effet Barnum, ça marche.
The truth is that you’re a quiet sensitive type but, if I’m prepared to take a chance, I might just get to know the inner you: witty, adventurous, passionate, loving, loyal. Taxi! A little bit crazy, a little bit bad. But hey - don’t us girls just love that?
Ma réaction n’allait pas vraiment plus loin que ça au départ, mais maintenant qu’on est lancé, explorons.
Si j’avais un défaut ? Je dirais perfectionniste.
Je suis donc assez familier de ce problème, et j’ai moi aussi bien sûr été tenté d’expliquer ça par du perfectionnisme. C’est toujours plus valorisant d’expliquer un défaut par une qualité.
Rembobinons. Vous êtes actuellement en train de lire l’un des plus gros procrastinateur de la terre, qui est justement en train d’écrire un billet (en traînant depuis midi) sur un tweet anecdotique au lieu de faire les 1000 autres choses qu’il devrait faire.
@Squintar parle de “[ne produire] à peu près rien, écriture, bijoux, tricots, collages, bricolages, couture et autres projets. Je faisais des listes.”
Vous êtes en train de lire l’homme qui a un Trello rempli ras la gueule de tableaux eux même remplis ras la gueule de listes de trucs super cools à faire un jour.
Ci-dessus, un seul des tableaux de liste de notre héros (qui en a 4 autres du même acabit) (oui c’est Blade Runner en fond).
Le coup du potentiel gâché dans un domaine où l’on aurait pu briller, il me semble également que quasiment tout le monde peut s’en prévaloir. De l’avis de certaines personnes, j’avais du potentiel au tennis, en escrime, en natation, en photographie en biologie, ou d’autres domaines que j’ai oubliés.
Autant de domaines que je n’ai pas poussés et un potentiel dont je n’ai “rien fait”. Je ne vais pas m’étaler, il manquerait la moitié des traits si j’devais t’faire un dessin.
Or je n’ai aucune amertume sur ce potentiel “gâché”, ça ne sert à rien de ressasser “qu’on aurait pu” mais qu’on a pas fait pour cause de “perfectionnisme”, ou parce qu’on était trop pur ou trop droit dans ses bottes. Ne pas développer son potentiel est l’équivalent de ne pas en avoir, c’est un peu facile de dire qu’on attendait que ce soit parfait pour se lancer, ou qu’on avait tout le potentiel mais qu’on a pas persévéré.
Car persévérer, c’est ça qui fait la différence. Il faut aussi relativiser les avis des gens qui trouvent tout ce qu’on fait super génial. À moins de tomber sur moi, les gens vont généralement dire que ce que vous faites est cool quand vous leur montrez, on est pas des bêtes.
Vous connaissez forcément quelqu’un (ou vous même) qui s’est déjà exclamé en voyant un produit à succès “hé mais j’ai eu cette idée il y a 10 ans ! Rhalala je serais riche à l’heure qu’il est !”, qui sous entend “je suis un génie”. Or une idée en elle même ne vaut rien, seule sa formalisation dans un contexte compte.
Tout le monde a des idées, si on ne les réalise pas, elles n’existent pas.
Tout le monde a “le talent pour manger convenablement un homard” comme disait Jacques Brel.
Là ou je veux en venir, c’est qu’à part un pourcentage minoritaire de la population tétanisés pathologiquement par le perfectionnisme, c’est se mentir que de se dire que c’est le perfectionnisme qui nous bloque. Ce qui nous bloque, c’est ce qu’on appelle scientifiquement la grosse flemmouze des familles.
C’est comme tout le monde. On n’est pas un flocon unique et précieux qui développerait son potentiel de dingue si seulement il n’était pas si perfectionniste. Parce qu’on travaille, parce qu’on a des enfants, parce qu’on a autre chose à foutre, parce qu’on veut se poser comme un sac devant une série nulle, parce qu’on veut décompresser, parce qu’on préfère lancer un autre projet plutôt que d’en terminer un. C’est humain, et c’est pas forcément un problème. Il faut juste attribuer les bonnes causes à nos maux.
Vous remarquerez que j’englobe tout ça dans la grosse case “flemme” même si ce sont des causes plus vastes, car pour moi la flemme est un grand ensemble de tout ça.
Dans notre société d’internet et de show off, où il est important de montrer qu’on fait des choses pour exister, c’est la course à qui en fera le plus (ou semblera en faire le plus). Cessez, faites les choses à votre rythme et ça se passera très bien, on ne vous demandera pas de justifications. Ne pensez pas aux autres. Inutile de chercher des causes pseudo-médicales à l’envie de ne rien faire ou de ne pas aboutir la plupart de vos projets.
Et je le répète, je suis le mec qui a passé 3 jours à développer une fonction pour afficher son age automatiquement sur son portfolio de manière propre et intégrée au CMS. On pourrait dire que c’est du perfectionnisme, mais je suis conscient de mon côté que c’est pas vraiment ça qui a ralenti la sortie de mon portfolio. C’est une excuse. Même si c’est formellement du perfectionnisme.
L’imposteur du syndrome
J’en profite pour faire un tour par le sujet du “syndrome de l’imposteur” cuisiné à toutes les sauces.
Servant au départ à parler des personnes qui ne se sentent pas légitimes sur un sujet alors qu’elles en étaient expertes, c’est presque devenu un tic de langage psy (au même titre que “passif-aggressif”) servant à décrire des choses aussi triviales que le trac, la peur, l’appréhension de parler en public ou l’envie pressante de faire pipi (ou caca, je ne juge pas) avant de monter sur scène.
Même avoir un simple doute sur la qualité de son travail (ce qui est très sain) est devenu L E S Y N D R O M E. Vous n’avez pas de syndrome. Vous avez juste une conscience professionnelle ou un besoin de vous auto-évaluer. Et c’est bien. Vous avez les jetons, les foies, le doute mordant. Comme moi, comme votre voisin, comme le camarade qui est passé avant vous.
Encore une fois, sacraliser des choses aussi triviales les rendent presque impossible à surmonter, comme si on était touché par une grave maladie (je fais bien sûr abstraction du petit pourcentage de la population réellement pathologiquement touchée).
Tout le monde a “le syndrome de l’imposteur” (sauf le gars qui va venir me dire que non pas du tout d’ailleurs voilà un lien vers sa conférence), il faut essayer de dédramatiser les choses sinon on n’avance pas.
Encore une fois je parle d’expérience, personne ne se doute aujourd’hui que j’étais d’une timidité maladive, à ne pas pouvoir appeler domino’s pizza pour passer une commande. Pourtant j’ai du prendre sur moi pour en arriver là, et je pense que me dire que c’était “rien de plus que de la trouille nulle” m’a plus aidé que de penser que j’étais atteint d’un mal mystérieux et donc quasi-incurable.
Je sais que les individus varient, et qu’on ne peut pas faire une généralité de ce discours, chacun a ses échappatoires et techniques pour s’en sortir, certaines personnes sont surement plus aidées si elles arrivent à identifier une pathologie, mais je partage mon expérience pour dire que tout le monde n’est peut être pas obligé d’en passer par là.
#CeuxQuiFont
Faites-moi plaisir, même si “Le monde a besoin de vos productions, de vos cadeaux, de vos mots, de vos tricots, de vos articles et de vos lino-gravures.Même imparfaits:)” ne tombez pas non plus dans l’horrible travers des “doers”, de “ceux qui font” à tout prix et inondent internet de leurs projets médiocres ou dangereux, non par le fait qu’ils ne soient pas achevés, mais parce qu’ils partent sur des bases faussées, juste pour produire quelque chose, dans cette course effrénée au “faire” qui permet ensuite de tweeter un dessin du genre “ceux qui critiquent / ceux qui font” en se mettant bien sûr dans la catégorie de ceux qui font.
Notre époque a érigé le fait d’agir en bouclier ultime à la critique. En toute circonstance, il faut faire quelque chose, vite, il faut être du côté de ceux qui s’agitent et si jamais une voix s’élève pour poser une question, émettre une critique, elle se voit systématiquement opposer la question imparable “ok mais toi tu fais quoi ?”
Déclarer sa flemme
Pour conclure, dites-vous que vous pouvez être touché par une perfectionnite aiguë, mais que ça peut aussi peut-être être autre chose. Dans ce cas là, faites les choses à votre rythme, si ça en vaut la peine donnez vous les moyens de boucler les projets qui vous tiennent à cœur, apprenez à en lâcher d’autres, et si vous le faites ne culpabilisez pas.
Et surtout dites-vous que généralement, ces projets jamais parus ne le sont pas à cause d’une grave pathologie ou parce que vous êtes un génie trop perfectionniste. Vous avez juste la flemme, ou pas l’envie, ou pas le temps, et c’est pas si grave.
1 De Olivier - 14/03/2017, 22:23
Petite pétouille : “mon but n’était absolument pas de dire à ses personnes”. Ton article n’est donc pas parfait ^^
Blague à part, j’ai eu le sentiment en lisant le tweet que la perfection avait bon dos. On cherche à imputer à un pseudo-perfectionnisme nos faiblesses ou manquements. Or, “la perfection n’est pas de ce monde”, ce qui invalide cette tentative de justification qui s’apparente selon moi à un manque de modestie.
Dans mon cas, il m’arrive souvent de regretter de ne pas avoir été plus loin pour atteindre un niveau proche de la perfection. Si je ne suis pas allé plus loin, c’est un choix personnel totalement assumé qui répond à des contraintes diverses et variées (manque de temps, organisation familiale, …). Mais ces contraintes ne sont en aucun cas une excuse. Je pourrais très bien passer outre ces contraintes pour avoir la sensation d’avoir été au bout de ce que je pouvais accomplir.
Si je prends le cas concret d’un projet web, il m’arrive de prendre la décision que je n’irais pas plus loin car le budget client ne permet pas d’aller au delà d’un certain perfectionnisme. Pour le cas de mon site personnel, je me dis constamment qu’il y a énormément de choses à améliorer mais en effectuant la mise en relation du temps nécessaire à ces améliorations et de la plus-value engendrée, j’en viens au choix de ne pas procéder à ces modifications.
En fin de compte, je pense que tout est une question de choix et que le perfectionnisme n’a effectivement rien à voir dans tout ça.
2 De Julien - 14/03/2017, 22:43
Merci c’est corrigé (ainsi que 50 autres qui étaient passées à l’as comme d’hab)
3 De Sal - 14/03/2017, 22:44
La dernière partie sur le fait de se sentir obligé de faire (des choses) est très vraie. Si on ne fait rien, on passe pour un loser et un glandeur, et quand on est en plus au chômage comme moi, on en arrive vite à culpabiliser de ne pas se mettre dans les ouat milliards de projets qu’on a dans ses cartons, à défaut d’avoir un boulot simplement.
Je me sens déjà moins accablée par ce poids de devoir faire pour le faire après avoir lu ton article. Merci pour ce billet :D
4 De Julien - 14/03/2017, 23:07
J’ai justement créé le Trello géant de projets quand je me suis retrouvé au chômage. C’était plus pour ne pas oublier des trucs que pour tout faire, mais il y a aussi ce côté culpabilisation. Du coup je pique un projet deci-delà entre 2 projets pros en free.
5 De Salayanara Ti Meko - 14/03/2017, 23:41
C’est pas mal de piocher un projet comme ça parmi d’autres, plutôt que de vouloir à tout prix faire les 10 qu’on a déjà et qu’on n’arrive pas faire de toute façon (et qui amène à cette fameuse réflexion procrastino-perfectionniste :p). Mieux vaut en faire un, et bien le faire, plutôt que de tenter de faire les 10 en même temps et finir par se disperser, se décourager, procrastiner, etc etc.
6 De Jacques C - 14/03/2017, 23:42
L’explication par le perfectionnisme est, dans certains cas, un recours confortable pour déguiser une situation réelle.
Car oui, certaines personnes ne vont pas “au bout” et procrastinent de façon maladive (il est impossible que ce soit le cas de toutes celles qui ont aimé le thread initial, mais il y en a, j’ai des noms). Vraiment maladive. Mais la raison n’est pas le perfectionnisme, c’est une raison proche mais moins noble : c’est une forme d’orgueil.
Préférer faire les choses au dernier moment peut ne pas être de la flemme, mais une vraie peur (pathologique) de ne pas faire assez bien, donc une forme de perfectionnisme si l’on veut. Mais justement : si c’était vraiment du perfectionnisme, on le ferait. Ne pas le faire, éviter, fuir, c’est en fait l’aveu d’une peur de décevoir, d’un peur de SE décevoir surtout. Ne pas faire (ou se trouver dans la situation d’avoir l’excuse du “dernier moment” pour expliquer les imperfections), ce n’est pas refuser les imperfections, c’est refuser de reconnaître qu’on est soit-même imparfait. C’est refuser de montrer qu’on n’est pas si perfectionniste que ça. C’est une forme d’orgueil.
Dans le fond, c’est assez proche de l’analyse du thread initial. C’est juste moins glorieux. Il est valorisant et agréable de se dire “ah, mais c’est parce que je suis perfectionniste”. Il est moins valorisant et moins agréable d’avouer “ah, je préfère éviter de montrer mes limites, j’ai un peu trop d’amour-propre”.
Mais dans le fond, là où le thread initial n’a pas tort, c’est qu’au bout du compte (dans les cas où ce n’est pas de la flemme - cas qui se reconnaissent par la grande frustration qui accompagne les évitements, une réelle douleur), on se fait du mal à force de ne pas se jeter à l’eau. En fin de compte, c’est idiot : soit il faut accepter que ce n’est que de la flemme, que c’est un choix et que ce n’est pas grave, soit si on y tient vraiment il faut se lancer et accepter le risque de se casser la gueule.
Mais ne nous y trompons pas. Ce n’est pas le refus de livrer une œuvre imparfaite. C’est juste la peur de se casser la gueule.
7 De Julien - 15/03/2017, 00:30
>ou se trouver dans la situation d’avoir l’excuse du “dernier moment” pour expliquer les imperfections
héhé, je connais ça. Et justement j’essaye d’arrêter de me voiler la face en faisant comme si c’était super génial quand c’est en fait ce que tu décris. C’est un peu ce que j’essaye (peut être maladroitement) d’expliquer/dédramatiser dans mon billet.
Il faut juste prendre conscience de ses tares (dont une grande partie de la population est de toute façon affectée)
8 De Calystod - 15/03/2017, 00:46
Autant, je suis d’accord que le thread faisait un effet Barnum et que beaucoup vont s’y reconnaitre et dire “Ah d’accord, je suis perfectionniste alors moi aussi” alors que non, pas nécessairement et c’est même pas forcément sain parce que tu te trouves une fausse excuse pour ne pas arranger ton soucis.
Autant je ne suis pas d’accord avec le fait que c’est nécessairement de la flemme qu’on ne mène pas à bien des choses qu’on a envie de faire. Faut s’en rendre compte quand c’est purement de la flemme et faut être honnête avec soi-même histoire d’avoir la vraie solution au problème. Mais reléguer à la flemme la cause du problème pour 99% des cas, c’est aussi con que de ne voir que du perfectionnisme.
Je l’avais indiqué dans mon fil Twitter, je me suis reconnue dans le thread parce qu’il est très générique mais je sais d’où vient mon sentiment de “Je ne vais pas y arriver” pour en avoir discuter avec ma psy et ça n’a rien à voir avec le perfectionnisme. Et là, je ne parle même pas nécessairement de projet web mais même de choses banales qu’il est utile de savoir faire dans sa vie: Réparer son vélo, faire des choses banales de bricolages, de cuisine, de jardinage, etc.
Et il m’arrive souvent de ne pas faire quelque chose ou d’abandonné parce que j’ai l’impression que je ne vais pas y arriver ou que je vais faire de la grosse merde alors que je sais raisonnable que c’est à la porter de tout le monde et que j’en suis bien capable. L’exemple le plus con, c’est que j’ai l’impression que je vais défoncer mon mur de salon si je fais des trous pour y accrocher des tableaux alors que j’ai construis moi même l’arbre à chat qui est dans mon salon. Et c’est complètement con, et j’en ai parfaitement conscience et ça m’agace moi-même. Et pour l’avoir étudier avec ma psy, c’est basiquement que j’ai pas été encouragé enfant (soit on se moquait de mes erreurs soit on exagérait mes capacités) donc j’ai un gros manque de confiance en moi adulte pour faire des choses que je n’ai encore jamais fais et je m’en fais des montagnes ou je me dis que ce que je vais faire va être pourri quoi qu’il arrive. Et de l’avoir compris, je sais qu’au final, faut juste que je me lance tranquillement et que j’accepte de faire des erreurs sans me dire que je n’en suis pas capable, que c’est normal, que j’apprends et de persévérer tout en déconstruisant cette engrenage de pensée qui est juste décourageant.
Mais ça, c’est mon problème à moi, c’est en étudiant ma mécanique de pensée et mon environnement qu’on a posé ce diagnostique. C’est un peu plus complexe que de se contenter d’un “Je ne me lance pas dans un projet parce que je pense que je vais faire un truc nul” = je suis ça.
9 De Carine - 15/03/2017, 08:47
Cela sonne plutôt juste tout ça. Effectivement il faudrait arrêter de se trouver des excuses fumeuses quand on ne fait pas qqch. Ne pas/plus avoir assez de temps ou avoir envie de faire autre chose n’est pas une tare, c’est parfois un concours de circonstances ou un simple choix ou autre chose. C’est absurde de mettre toutes nos lacunes potentielles ou nos choix sur le dos du perfectionnisme. ^^
On est tous plus ou moins perfectionniste, mais on n’est pas tous concernés par le “perfectionnisme maladif”, pour peu que ce soit la bonne description. Je verrai plutôt ça comme un problème de manque de confiance en soi et/ou d’orgueil exacerbé, mais ça fait juste “mieux” de parler de perfectionnisme.
Après il y a un truc qui chiffonne un peu dans ton article. Autant pour les commentaires du tweet originel on peut avoir une petite idée de ce que les gens pensent. Autant pour les RT et/ou les likes, on fait un peu dans le procès d’intention là. Faut-il vraiment croire que si les gens RT/like qqch c’est qu’ils se sont forcément reconnus dans la description? Peut-être pas. Mais là n’était pas la question de départ. Sifflotement
10 De Nannig - 15/03/2017, 09:25
Moi j’ai des listes de livres à écrire, certains bien avancés niveau structure, des listes de jeux de sociétés à créer (dont un qui existait déjà après recherche en fait), etc. Je suis sûr que ce sont de bonnes idées mais ce n’est pas le syndrome de l’imposteur ou le perfectionnisme qui m’empêche d’avoir le Goncourt ou l’As d’or, nan nan c’est la bonne grosse flemme. Ça rentre dans cette catégorie de trucs que je ferais avec plaisir… si je n’avais que ça à fair! Donc ouais le jour ou je serai multi-millionaire sans avoir à travailler, peut-être. Enfin sauf si y’a les Ch’tis à Macao à la télé ;D
Du coup je me retrouve beaucoup plus dans ton billet que dans ceux que tu “dénonces” et ça fait plaisir à lire. Merci.
11 De fvsch - 15/03/2017, 13:27
J’aime bien cet article qui réhabilite un peu la flemme (non, ce n’est pas sale) et fait une critique nécessaire de l’idée de vie “productive” (ou même tes loisirs et intérêts perso ont une productivité mesurable, elle est pas belle la vie?).
Moi ce qui m’énerve un peu avec l’explication du perfectionnisme, qui a donc pour but de mettre un mot en partie positif sur une difficulté, c’est que ça ne masque pas seulement le combo flemme+culpabilité. Ça peut aussi masquer des troubles de l’anxiété. Et les troubles de l’anxiété ça ne concerne pas qu’une toute petite minorité, avec une prévalence qui serait plus dans les 10-20% de la population, et des conséquences parfois balèzes sur les conditions de vie (je connais des gens pour qui c’est un handicap réel qui demanderait un mi-temps thérapeutique et des aides spécifiques à l’emploi) et sur la santé (comorbidité de dépression, addiction, etc.).
Il y a toujours un risque, en parlant de troubles mentaux pas si rares, que tout le monde les identifie partout (tes enfants sont tous hyperactifs, les gens que t’aime pas sont tous des pervers narcissiques, etc.). Mais je trouve ça étrange qu’on identifie aussi peu les troubles de l’anxiété dans les questions de “perfectionnisme”, de “burn out” (qui ne se limite pas à ça, certes), etc. Ça doit être moins vendeur que d’autres trucs (ahem, “HQI”).
Enfin, même en ayant un trouble anxieux (ou des difficultés d’anxiété au dessus de la moyenne), on peut aussi avoir la flemme, normal. Parfois c’est difficile de réaliser si on a du mal à faire un truc à cause de l’anxiété ou de la flemme; et dans certains cas, en ayant la flemme on se met dans des situations de stress extrême qui te démontent la tête et la santé :/
En conclusion: qu’on ait un trouble de l’anxiété ou non, réhabiliter un peu la flemme et critiquer le productivisme chelou, ça fait du bien à tout le monde. Mais si vous soupçonnez un problème d’anxiété spécifique, essayez aussi de vous faire aider.
12 De Jacques C - 15/03/2017, 17:34
En fait, c’est bien, entre l’article et les commentaires, toutes les situations sont listées :
- flemme,
- orgueil,
- manque de confiance en soi,
- anxiété (n’est-elle pas reliée au manque de confiance en soi ?),
- et très rares cas de “perfectionnisme maladif”.
Il est amusant que ces raisons très différentes donnent toutes comme résultat de ne pas mener nos projets à terme. Il faut croire que les humains ne sont pas faits pour mener leurs projets à terme, toutes les occasions sont bonnes pour tirer au flanc ;-).
Je reviens sur un passage qui m’a frappé et surpris, celui concernant la dérive de l’expression “syndrome de l’imposteur”. J’ignorais qu’elle est maintenant utilisée pour désigner quelqu’un qui a le trac ou un doute sur la qualité de son travail. C’est assez incroyable, car ça n’a aucun rapport avec son sens initial ! Le syndrome de l’imposteur, littéralement, c’est le sentiment qu’on a plus de succès que d’autres personnes qui le méritent plus que nous. C’est par exemple un premier rôle de cinéma qui ne comprend pas pourquoi il a eu le rôle alors que ses amis du cours de théâtre, bien plus doués que lui, n’ont pas été retenus. C’est quelqu’un qui est invité à la télé sur un sujet alors qu’il n’a fait que le vulgariser et qu’il est moins légitime que ceux dont il s’est inspiré. Etc. Mais la question du trac ou celle de la qualité intrinsèque n’ont aucun rapport : elles peuvent exister en parallèle, de la même manière que je peux être mal rasé tout en ayant mal au dos sans que l’un soit corrélé à l’autre ! Un acteur peut avoir le syndrome de l’imposteur tout en n’ayant jamais le trac. Un invité à la télé peut être convaincu de la qualité de son livre de vulgarisation tout en ayant le syndrome de l’imposteur puisqu’il n’est qu’un “passeur”. Bref, aucun rapport.
Merci de me faire découvrir cette dérive, ça m’évitera des malentendus quand je tomberai sur ce (très) mauvais usage ; je pourrai ainsi avoir la demi-seconde de recul pour vérifier le sens utilisé au lieu de partir bille en tête dans une compréhension décalée.
NB : En général, quelqu’un qui a l’orgueil de ne pas finir ce qu’il entreprend pour éviter de se casser la gueule n’a pas le syndrome de l’imposteur (au vrai sens du terme), puisqu’au contraire il a estime avoir la valeur de ce qu’il ne réalise pas ;-).
13 De Eloise - 15/03/2017, 19:35
Petit témoignage, pour ce qu’il vaut : concernant le thread qui vous a fait réagir, moi je l’ai apprécié parce qu’il parlait très bien de ma difficulté à produire et me disait avec bienveillance que c’était possible de surmonter ça. Le lire m’a soulagée. Et m’a donné du courage pour redoubler d’efforts.
Cette difficulté que j’ai est au centre de mes problèmes et je la combats chaque jour pour tout. Pour produire dans mon travail, dans mes hobbies, pour entretenir mes relations sociales, pour entretenir mon lieu de vie et ma propre personne (ouais manger, dormir, se laver)… Tout. Dans les écoles que j’ai fréquenté, ça m’a valu la haine et le mépris de mes camarades parce “Eloise elle a des capacités mais elle fout rien, cette grosse flemmarde, elle se fout de la gueule du monde.” Les profs marquaient ça sur mes bulletins aussi. Et on me répétait en boucle que je me moquais des gens, alors que pas du tout, j’y arrivais juste pas.
Après, pourquoi j’ai des difficultés à produire, à faire les choses, ça on peut en discuter mille ans. Moi je me suis retrouvée dans le terme perfectionniste parce que je dois combattre à chaque instant de ma vie cette part de moi qui me dit “si ce que tu vas faire n’est pas parfait, le fait pas, ya assez de merdes dans le monde, évite d’en rajouter, merci” et qui me paralyse. Mais je suis pas spécialement attachée au terme perfectionniste. On peut parler de jusqu’au-boutisme, d’orgueil mal placé ou de manque de confiance en soi, je m’en fous. Peu m’importe le terme, tant qu’on m’encourage avec bienveillance à aller à mon rythme et à arrêter de culpabiliser comme une pourrie. Comme dans le thread sus-cité, donc.
Par contre, je refuse qu’on me traite de flemmarde. Parce que ma lutte contre cette anxiété, cette pression que je me mets à tout faire parfaitement au jour le jour, ça coûte beaucoup d’énergie et de ressources mentales. C’est un combat quotidien pour chaque activité. Et contrairement à ce que certaines personnes peuvent croire, je n’en suis pas fière du tout, de ces pressions et ces difficultés que j’ai à produire. Je payerais cher pour qu’elles disparaissent en un claquement de doigt. Parce que chaque jour je crève de jalousie en regardant les personnes qui produisent beaucoup, puis je me houspille en me disant que jalouser me mènera nulle part et je reprends mes propres actions, lentement. J’essaye de ne jamais lâcher le morceau même si je trouve que je vais vraiment pas assez vite.
Alors maintenant que je lis votre article, je comprends bien votre réaction. Et c’est intéressant à lire, vraiment (les commentaires aussi d’ailleurs). Mais tout de même, quand j’ai vu votre réaction sur twitter à base de “votre perfectionnisme, c’est juste de la flemme”, ben j’ai trouvé ça rude. Parce que c’est ce que j’entends depuis que je suis gamine. Et que ça m’a jamais aidée, bien au contraire.