Le contenu de ce billet était initialement inclus dans celui qui expliquait pourquoi les auteurs se trompent de cible en se plaignant de leurs cotisations, mais devant son importance et par soucis de lisibilité j’en ai fait une annexe comme ça chacun pourra se faire une idée précise de quoi il retourne.

Faisons un tour d’horizon des cotisations que doit verser un auteur indépendant, car il est temps de comprendre comment ça fonctionne et de voir si vraiment ces cotisations sont insupportables (spoiler : non).

TL;DR : Les cotisations des auteurs s’élèvent à environ 25 % de leur bénéfice. Provisionnez 30 % de tout l’argent que vous encaissez en vous disant que c’est pas votre pognon, et tout ira bien. Cet argent ne vous est pas volé, c’est toujours votre argent, et il sert à payer votre retraite et votre assurance maladie.

Tout d’abord, un peu de vocabulaire

  • Chiffres d’affaires : le total de tout l’argent que vous avez encaissé pendant l’année, sans rien déduire.
  • Bénéfice : Votre chiffre d’affaires moins vos charges et frais (réels ou forfaitaires).
  • Assiette sociale : la somme sur laquelle sont calculée vos cotisations sociales.
  • Le fonctionnement des différents statuts qui composent un régime d’indépendant.

Note : pour les auteurs édités dont les revenus sont intégralement déclarés par les tiers (en général la maison d’édition) il existe un régime dit “de traitements et salaires” où l’éditeur paye directement les cotisations pour l’auteur, mais il s’agit bien exactement des mêmes cotisations dont il est question dans ce billet.

Note 2 : tous les chiffres valent à la date de rédaction de cet article, et ils évoluent chaque année.

Le statut fiscal (L’école du micro BNC)

La plupart des auteurs avec un petit chiffre d’affaires (< 33 200 € / an) sont vraisemblablement au régime micro, ce qui engendre souvent des plaintes sur un soi disant désavantage engendré par le fait “de ne pouvoir rien déduire et même pas récupérer la TVA sur les achats”.

C’est une erreur, car au contraire, si on ne déduit pas ses frais réels, une déduction forfaitaire de 34 % de votre chiffres d’affaires est appliquée automatiquement. Or ces 34 % seront bien souvent largement supérieurs à la somme de vos achat dans l’année.

Il s’agit donc en réalité d’un avantage précieux car votre bénéfice sur lequel est calculé vos cotisations sociales est minoré.

Quant à la TVA, si on la récupère sur ses achats, on doit la reverser sur ses ventes. Il s’agit d’un mécanisme transparent où l’entreprise se charge simplement de collecter la TVA pour l’État.


  • Avantage 1 : en BNC, les frais déduits forfaitairement sont en général bien plus élevés que vos frais réels.

Les cotisations sociales : retraite de base, vieillesse (Bats les couilles pour eux, j’suis MDA)

La Maison Des Artistes (et l’AGESSA) sont des caisses sociales chargées de récolter vos cotisations pour le compte de l’URSSAF.

Ce sont surtout ces cotisations qui font que le statut d’auteur est hyper avantageux. En effet, les cotisations sont minimes par rapport à ce que payent d’autres entreprises, pour un bénéfice élevé.

Ces cotisations sont calculées sur la base de votre bénéfice augmenté de 15%, ce qui nous donne l’assiette sociale. Ces 15% sont complètement arbitraires et ont même fait l’objet d’une pétition pour leur suppression.

Pourtant, malgré cette hausse destinée à compenser un peu l’avantage des auteurs sur les autres statuts, ce mode de calcul reste à notre avantage.

Ces cotisations (basées sur l’assiette sociale donc) servent à financer votre retraite de base (6,90 %), votre assurance maladie (1,15 %), la CSG pour renflouer la sécu (7,50 %) CRDS pour rembourser la dette (0.5 %) et votre formation professionnelle (0,35 %) qui vous permet de bénéficier de formation à hauteur de 7200 € par an.

Hormis ces taux bas, le principal avantage est que la cotisation maladie ouvre droit au régime d’assurance maladie des salariés. Donc congés maladie, congés maternité, invalidité, décès etc. (si vous êtes affiliés = que vous avez encaissé plus de 8700 € dans l’année).

Aucun autre indépendant ne bénéficie d’une telle couverture ! (Demandez aux indépendants au RSI).


  • Avantage 2 : bénéficier du régime d’assurance maladie des salariés pour une fraction des cotisations des salariés (~1,3 % de votre bénéfice !) et pas de cotisation forfaitaire.
  • Avantage 3 : possibilité de bénéficier chaque année d’une formation pour un montant allant jusqu’à 7200 €

La retraite complémentaire (Premier sur le RAAP)

L’IRCEC (Institution de Retraite Complémentaire de l’Enseignement et de la Création) est la caisse de retraite complémentaire des auteurs. Elle regroupe plusieurs régimes : Le RACL (Régime de Retraite des Auteurs et Compositeurs Lyriques), le RACD (Régime de Retraite des Auteurs et Compositeurs Dramatiques) et enfin le RAAP (Régime de Retraite des Artistes Auteurs Professionnels) qui nous intéresse ici puisque c’est le régime de retraite complémentaire des auteurs cotisant à la MDA.

Petit apparté : “complémentaire” ne veut pas dire “facultatif”, et il s’agit bien d’un régime obligatoire qui viendra compléter votre retraite de base.

C’est surtout cette question d’IRCEC qui a enflammé les auteurs, car la caisse a annoncé une forte hausse de la cotisation du jour au lendemain, entraînant l’incompréhension.

Or, comme souvent ça n’a rien d’aussi caricatural et dramatique comme ont voulu nous le faire croire certains.

Déjà, si votre assiette sociale est inférieure à 8700 €, vous n’aurez rien à payer à l’IRCEC. Nada. Zéro.

Ensuite, si votre assiette sociale est inférieure à 26 109 €, vous ne payez que 4 %. On repassera pour les “plus faibles pris à la gorge par surprise”. Pour les autres, ce taux est de… 5 %, et il augmentera d’1 % par an jusqu’en 2020 pour atteindre les fameux 8 % (l’augmentation annoncée au départ).

Pourquoi cette augmentation ? Tout simplement car les auteurs choisissaient systématiquement (Wait for it) de payer le minimum de cotisation (le forfait “spécial” de 439 € annuel) et donc n’accumulaient quasiment aucun points de retraite complémentaire.

Une infime minorité se faisait sa propre retraite à coté (par capitalisation, investissement immobilier ou autre) mais l’écrasante majorité des auteurs pensaient simplement faire une super économie et ne prévoyaient rien pour leurs vieux jours.

Résultat : les auteurs qui se plaignent d’être précaires l’auraient été encore plus à la fin de leur carrière.

Il est important d’ajouter que l’IRCEC a un taux de réversion plutôt intéressant et que le gain en fin de carrière sera plus avantageux que de nombreux placements classiques de type assurance vie. Il est donc sage de se pencher dès maintenant sur cette question pour affiner votre plan retraite.

Notez aussi que pour les auteurs précaires du métier de l’écrit, cette retraite complémentaire peut être payée à moitié par la Sofia. Encore une fois, pas vraiment ce qu’on peut appeler un coupe gorge.


  • Avantage 4 : ne rien à payer si moins de 8700 € de chiffre d’affaires, 4 % jusqu’à 26 109 € et 5 % au delà.

La Cotisation Foncière des Entreprises (Laisse pas traîner ton fisc)

La CFE (Cotisation Foncière des Entreprises) est une taxe locale (remplaçant peu ou prou la taxe pro) à laquelle sont soumises quasiment toutes les entreprises… sauf les auteurs qui en sont exonérés en raison de leur statut.


  • Avantage 5 : Exonération de la Cotisation Foncière des entreprises (ex taxe professionnelle).

Hausse de la CSG sans compensation par une baisse des cotisations de l’assurance chômage (Éclater un type des ASSEDIC)

Autre point faisant débat en ce moment : la hausse de la CSG de 1,7 points. L’augmentation de cette contribution est compensée pour les salariés par une baisse des cotisations chômage.

Or, les auteurs ne payant pas ces cotisations, elle n’est compensé par rien et la hausse est donc répercutée à 100 % sur nos cotisations.

C’est fâcheux (surtout quand on voit l’attitude de nos élus quand la question leur est posée), mais difficile de se plaindre de ne pas voir baisser une cotisation qu’on ne PAYE PAS.

De plus, ne pas être soumis aux cotisations chômage présente un autre avantage pour les auteurs : Pôle emploi n’a pas à connaitre leurs revenus de droits d’auteurs et ceux-ci peuvent donc cumuler à 100 % leurs indemnités journalières avec leurs chiffres d’affaires s’ils ont droit au chômage (via une activité salariée précédente par exemple).


  • Avantage 6 : Pas de cotisations chômage + possibilité de cumul complet de ses revenus d’auteurs avec des indemnités journalières de l’assurance chômage.

Que la famine

On peut donc constater que loin d’être pris à la gorge, les auteurs indépendants bénéficient d’un régime hyper avantageux par rapport aux autres entreprises, et que leur précarité ne vient pas de ces cotisations ni des hausses minimes de points de cotisations qui laissent leur niveau de charges encore loin derrière d’autres régimes.

Ces sommes ne sortent pas de nulle part, elles sont prévisibles, provisionnables, et indexée sur le bénéfice, ce qui veut dire que les sommes demandées le sont toujours calculées sur de l’argent que vous avez réellement encaissé à un moment.

Le problème est donc ailleurs.

Demain c’est loin

Il faut aussi comprendre une bonne fois pour toutes que ces organismes ne sont pas là pour vous détrousser, et que ces cotisations vous ouvrent des droits dont vous (ou votre famille) bénéficierez en différé.

On peut râler tant qu’on veut sur le moment car ça fait toujours mal de débourser de l’argent qu’on pensait acquis (ce qui est de toutes façons une erreur car il ne fait que transiter par chez vous), mais cet argent n’est pas perdu et je pense que vous serez assez satisfait de ne pas avoir à payer vos frais d’hôpital ou de médicaments en cas de problème, ou de ne pas être à la charge de vos enfants dans vos vieux jours.

C’est un investissement pour l’avenir.

Il est à noter que les auteurs sont souvent les premiers à monter au créneau pour dénoncer la casse sociale, il ne faudrait donc pas oublier que le système fonctionne justement grâce à ces cotisations.